Judith Hopf, Phone User 3, 2021 (détail). Argile, socle de béton, 170 x 45 x 51 cm. Photo : Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2022 / Judith Hopf. Courtesy Judith Hopf et kaufmann repetto Milan / New York

Pour sa première exposition monographique en France, intitulée Energies et orchestrée par trois commissaires : François Aubart, Xavier Franceschi et Émilie Renard, Judith Hopf réunit des oeuvres existantes et inédites au coeur du débat actuel sur la grande question des économies d’énergie et de sa future possible pénurie. Comme le soulignent les commissaires, « Judith Hopf approche la technologie par son versant fétichiste et met en doute la course à la réussite et à l’accomplissement, tant vantée par l’esprit du capitalisme. Les préoccupations de Judith Hopf pour les modes contemporains de production et de consommation se manifestent à la fois dans les matériaux qu’elle utilise et les formes qu’elle produit. Les objets qu’elle réalise semblent pris entre deux états, entre le sublime qu’ils évoquent et le ridicule ou la déception qu’ils engendrent réellement. » Ils concluent ainsi : « Énergies s’appuie sur des oppositions entre évolution naturelle et croissance bornée pour composer des mises en scène cinglantes et d’autant plus corrosives que c’est notre quotidien qu’elle représente. D’ailleurs, on trouvera également en creux de cette exposition en deux volets une réflexion sur l’art et sa production, dans un choix de matériaux qui cherche des alternatives à la production effrénée. Énergies n’est pas sans rappeler qu’en cette période de communication par visioconférence, il en faut de grandes quantités, électriques et humaines, pour monter des expositions. Les Phone Users qui cherchent probablement à se joindre entre Bétonsalon et Le Plateau peuvent en être la métaphore, ils tentent peut-être de communiquer sans pouvoir s’annoncer les uns aux autres : « J’ai presque plus de batterie. » »

L’instrumentalisation du paysage que l’artiste nous donne également à voir, anime par ailleurs les sculptures d’animaux qui évoquent à leur tour une nature devenue production sérielle, déshumanisée, un monde où la rationalité l’emporte sur l’attention au vivant. Elle l’exprime à travers ses peintures murales où figurent des rais de soleil et de pluie parfaitement ordonnés et le motif géométrique d’un champ de panneaux solaires. Les animaux (moutons, serpents) sont sommairement composés de matériaux industriels – béton, tiges de métal – évoquant la production sérielle et l’architecture brutaliste.

Les trois commissaires d’exposition

Xavier Franceschi a occupé le poste de directeur du Frac Île-de-France - Le Plateau durant 16 ans et quitte le centre d’art fin octobre pour se consacrer à d’autres projets. Émilie Renard est directrice de Bétonsalon - centre d’art et de recherche et François Aubart est commissaire d‘exposition indépendant, éditeur et enseigne à l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy (ENSAPC).

Extraits de leur entretien avec Judith Hopf concernant l’exposition

XF : Les deux expositions au Plateau et à Bétonsalon sont en fait une seule et même exposition en deux parties. Quels liens as-tu imaginé entre elles ?
JH : J’essaie de réfléchir autour du thème de l’« énergie » dans les deux parties de l’exposition, j’espère trouver une configuration expérimentale autour de ce terme dans les deux lieux tout en convoquant des perspectives diffé­rentes. Pour Le Plateau, je réfléchis à des perspectives possibles sur le paysage et les changements qu’il subit en tant que lieu de production d’énergie. Comment interagissons-nous avec les autres habitant·es du paysage, les vies microscopiques, les animaux, les plantes ? Je n’ai jamais compris pourquoi les humains se sentent si supérieurs dans le monde alors qu’ils ne pourraient manifestement pas survivre une journée sans leur environnement cosmique, des bactéries aux abeilles en passant par les castors – il faudrait alors peut-être trouver de nouvelles manières de considérer ce que nous appelons « la nature » et les habitants qui la composent tels que les plantes, les animaux et les humains. Mais les énergies peuvent aussi être comprises comme des liens psychologiques ou des pulsions entre les personnes et leurs identités sociales. De nos jours, la quantité d’énergie que l’on dépense chaque jour pour se réunir, échanger des idées et partager une vie sociale est telle que cela en devient presque absurde. Je parle ici des énergies en tant que ressources, mais aussi de l’utilisation de notre temps, de nos capacités mentales et de nos limites physiques. Ce sont plutôt ces questions-là qui sont au centre de l’exposition à Bétonsalon. On peut voir un lien avec Le Plateau dans la mesure où l’usage social de toutes ces énergies doit bien aussi provenir de quelque part ; qu’en est-il des laissé·es pour compte et des questions d’épuisement dans un sens matérialiste et social ? Pouvons-nous « geler » toutes ces énergies, peut-être pour un instant, dans une exposition ?

ER : Dans ces deux expositions, si l’on regarde les aspects figuratifs des oeuvres, on peut identifier divers motifs récurrents tels que l’électricité avec les éclairs, les panneaux solaires, les prises et les pylônes ; les animaux avec les serpents et les moutons ; les paysages avec les ciels ensoleillés et pluvieux, un brin d’herbe... Ces énergies et ce qu’on appelle la « nature », représentée par le paysage et les animaux, sont-elles liées dans une boucle néfaste parce que nous considérons cette dite « nature » comme une ressource ?
JH : En ce moment, il y a de nombreuses discussions autour de la transformation du paysage dans le but de produire de l’énergie, principalement du carburant ou de l’électricité. D’un autre côté, nous associons la nature à nos temps de loisirs et la considérons comme un endroit où recharger notre propre « énergie » après avoir été épuisé·es par nos propres conceptions et styles de vie. Il semble que nous soyons incapables de concevoir notre environnement autrement que pour servir nos propres intérêts. Je ne place pas des animaux figuratifs tels qu’un « vrai mouton » ou de « vrais serpents » dans la notion de paysage. Je veux plutôt rendre visibles d’autres êtres en relation avec les humains et montrer une certaine absurdité de notre relation à notre environnement, qui n’est pas fait uniquement de besoins humains ni d’êtres humains. Comme l’a expliqué John Berger, il n’y a pas que nous, les humains, qui regardons les animaux, les animaux nous regardent aussi.

ER : Quel rôle jouent les Phone Users (Usagers de téléphones) dans ces jeux de répétition ? Leurs corps sont faits de la même argile que leurs téléphones et ils ressemblent à des personnages introvertis, enfermés dans un espace clos, ou bien ils pourraient aussi communiquer entre eux, d’un endroit à l’autre, comme s’ils étaient dans une boucle entre êtres d’une même sorte.
JH : La série des Phone Users est le fruit d’un travail spontané que j’ai réalisé l’année dernière, lorsque nous étions en période de confinement dû à la Covid. [...] J’avais déjà l’idée depuis longtemps de faire des personnages utilisant des téléphones portables en argile, mais je ne savais pas par où commencer et à quoi ils allaient ressembler. Ils se sont juste développés au fur et à mesure que je les faisais et tout ce processus a été un choc pour moi. Je trouve aussi qu’ils ont l’air un peu introvertis, un peu déconnectés même s’ils essaient tant bien que mal de se connecter les uns aux autres via leurs téléphones. Je suppose qu’on ne sait jamais ce qui va se passer quand on fait des choses sans plan précis, mais ça a été très important pour moi de passer par ce processus. En fait, je suis stupéfaite d’avoir réussi à les produire. Je crois que j’ai appris que l’on peut s’identifier à des personnages comme eux tout en les réalisant, et c’était une expérience inédite dans ma production artistique.

ER : Dans la plupart de tes oeuvres, on a l’impression que les représentations de la nature, des paysages ou des animaux, sont altérées ou déformées, comme si le regard que nous portions sur la nature était toujours déjà biaisé?
JH : Je ne peux pas dire si nous faisons quelque chose de mal, mais je suppose que nous pouvons voir que nous sommes un peu coincé·es dans notre peur. D’une part, nous nous enfonçons dans des crises climatiques et environnementales, dans des conceptions erronées de la nature, d’autre part, nous ne remettons pas suffisamment en question notre compréhension de nos environnements.



Judith Hopf, Phone User 3, 2021 (détail). Argile, socle de béton, 170 x 45 x 51 cm. Photo : Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2022 / Judith Hopf. Courtesy Judith Hopf et kaufmann repetto Milan / New York

Archives expositions personnelles France

Archives expositions personnelles (H-I)

Judith Hopf, Energies

Le Plateau et Bétonsalon, Paris

22.09 - 11.12.2022




 







 




 

 












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Communiqué de presse


Les deux centres d’art parisiens Le Plateau et Bétonsalon accueillent ensemble une exposition en deux volets de Judith Hopf, présentée du 22 septembre au 11 décembre 2022. Depuis les années 2000, cette artiste berlinoise pluridisciplinaire qui enseigne à la Städelschule, l’école d’art supérieure de Francfort, réalise des sculptures et des films alimentés par des réflexions sur les relations que les êtres humains entretiennent avec la technologie de leurs appareils électriques au quotidien, envisagé selon un point de vue autant technique que philosophique. À Bétonsalon les oeuvres tournent autour de la consommation d’énergie, au Plateau c’est de sa production dont il est question.






 





































































 













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Gilles Aillaud

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Marika Prévosto

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sandie hatem

jul 1 à 2h10 PM

Gilles Aillaud, Le silence sans heurt du présent

En coproduction avec les Musées des beaux-arts de Rennes et de Saint-Rémy de Provence, cette rétrospective parrainée par la Fondation d’Entreprise Michelin est la première grande exposition consacrée à l’artiste depuis 10 ans. Une cinquantaine de tableaux provenant de grandes collections publiques et privées seront exposés au FRAC Auvergne.























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Exposition du 10 décembre 2016 au 05 mars 2017.
Fondation Maeght, 623 chemin des Gardettes – 06570 Saint-Paul de Vence. Tél. : +33 (0)4 93 32 81 63. Ouverture tous les jours de 10h à 18h.

Exposition du 10 décembre 2016 au 30 mars 2017.

Espace de l’Art Concret, château de Mouans – 06370 Mouans-Sartoux. Tél. : +33 (0)4 93 75 71 50. Ouverture du mercredi au dimanche de 13h à 18h.

À l’Espace de l’Art Concret, mettant en jeu le concept d’art total dans C’est à vous de voir..., , Pascal Pineau investit les espaces du Château pour en retrouver la fonction originelle, interrogeant la valeur d’usage des œuvres. Expérimentant les limites du décoratif et de l’ornemental, il ouvre un dialogue entre pièces issues de l’artisanat, du design, objets de brocante et œuvres d’art ‘proprement dites’. Ainsi, les salles d’exposition se transforment en une succession d’espaces domestiques fictifs. Cuisine, bureau, salon, chambre d’enfant, suite parentale… chaque pièce peut se percevoir comme un portrait en creux de l’artiste qui pose un regard introspectif sur une trentaine d’années de pratique artistique.

Sur l’invitation de Pascal Pinaud, Alexandre Curtet, fondateur de Loft interior designers, a été sollicité pour concevoir l’aménagement intérieur de ces espaces en dialogue avec ses œuvres, mais aussi celles d’artistes avec lesquels ce dernier partage des affinités esthétiques, comme Noël Dolla, Mathieu Mercier, Natacha Lesueur, Philippe Ramette…







Exposition du 22 septembre au 11 décembre 2022.
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Bétonsalon - centre d’art et de recherche , 9 esplanade Pierre Vidal-Naquet - 75013 Paris. Tél. : +33 1 45 84 17 56. Ouvert du mercredi au vendredi de 11h à 19h et le samedi de 14h à 19h.


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Junya Ishigami, petit? grand? l’espace infini de l’architecture. Arc en rêve, Bordeaux