Communiqué de presse


Où l'art et le cochon diffèrent en ce que dans le cochon tout est bon...

De l'art ou du cochon? Plus qu'une boutade en forme de saucisson à pattes, c'est une véritable question posée par un plieur de papier marri de voir l'origami souvent résumé à un savant exercice de cocotologie ou à la production de jolies performances qui renvoient à l'enfance et aux tours de magie. La magie, d'où naît si facilement et si spontanément l'émerveillement, doit-elle pour autant occulter l'idée, l'invention, le geste qui préside à la création, et la vision imprimée sir le papier par une main guidée tant par le rythme que par l'intuition, par la poésie et par la répétition, par la poésie et par la répétition, par l'apprentissage de nouveaux langages sans cesse réinventés qui étonnent en tout premier lieu celui qui, pliant une feuille en deux, donne à la fois naissance à une montagne et une vallée?

L'objet de cette exposition est la mise en situation de pièces élaborées pour illustrer des modes de re-création où les multiples usages du pliage témoigneraient du permanent recyclage non seulement du papier, mais aussi celui des idées, des concepts, voire des oeuvres. Ce n'est au fond toujours qu'une affaire d'interprétation, de réappropriation des inventions antérieures, d'une lente décantation de ce qui demeure jusqu'à ce qu'on régurgite sous une forme inédite l'équation qui tranchera la question du statut de l'artiste.

De l'art ou du cochon? Une question facétieuse ou naïve qui n'attend cependant pas de réponse définitive... Bientôt d'autres précisions sur cette exposition dans toutes ses dimensions de "recyclage"...

Recyclage du papier: alchimie et transformation

La question du recyclage du papier n'est pas au départ chez Tuan Luong le fait d'une démarche écologique, encore moins militante. Elle est plutôt résolument pragmatique et naît de considérations purement pratiques - il use du papier qu'il a immédiatement à portée de main lorsqu'il lui prend envie de plier - mais aussi économiques car pour lui la création n'est qu'une succession de brouillons: inutile donc d'acheter un papier coûteux.

Rapidement cette pratique s'agrémente d'une dimension ludique - rien de plus amusant en effet que de détourner un papier de son usage utilitaire pour le transformer en chimère - assortie de vastes choix esthétiques à travers l'exploration des inépuisables variétés de couleurs, textures, matières, épaisseurs offertes par les multiples supports rencontrés au quotidien. L'artiste est devenu proactif du tri sélectif bien avant l'ère des poubelles à choix multiples. Parmi les petits bonheurs collatéraux qui se présentent, il faut compter aussi avec la poésie qui se révèle dans les cadavres exquis que lui confie la chose imprimée une fois apprivoisée dans ses derniers replis. Ainsi se crée une philosophie adaptée à la nature unique de chaque morceau de papier.

Le ticket de métro a été très longtemps son support de travail favori; tant parce qu'il favorise des transports intimement communs en suscitant un dialogue spontané avec des voyageurs intrigués qui ne peuvent s'empêcher d'essayer de deviner ce que vous êtes en train de plier que par le défi posé par ce petit bout de carton aux possibilités en apparence limitées: Avec un ticket de métro, on ne peut pas tricher. Plus qu'avec n'importe quel autre support l'humilité d'esprit et la simplicité du pli sont de mise. On ne peut pas forcer le papier, on ne peut que le laisser nous conduire. Et parfois de station en station il vous mène jusqu'à d'improbables réalisations

Recyclage des idées: modernité et tradition

La "grue" traditionelle japonaises (Ori-tsuru) est l'emblème universel de l'Origami. C'est également un symbole de santé, de paix et de longévité. Une ancienne légende japonaise dit que la grue peut vivre mille ans et qu'en pliant mille grues, les dieux peuvent exaucer un voeu. Mais la grue évoque également la tragédie d'Hiroshima, à travers l'histoire d'une fillette, Sadako Sasaki, qui comme des milliers d'enfants fut irradiée par la bombe et développa ensuite une leucémie.
Sa meilleure amie lui ayant conté la légende, Sadako entreprit de plier ses mille grues dans l'espoir de guérir. Elle ne put confectionner au total que 664 oiseaux avant de s'éteindre à l'âge de douze ans. Elle avait plié ses grues avec tout le papier qu'elle avait pu trouver, jusqu'aux étiquettes de ses flacons de médicaments. Ses camarades de classe finirent de plier les mille grues et collectèrent de l'argent auprès de plus de 3000 écoles pour ériger au centre du parc de la paix d'Hiroshima une statue à sa mémoire où chaque année sont déposées des milliers de grues envoyées par les enfants du monde entier.





Archives expositions personnelles (L)

L’art qui dialogue avec l’environnement

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  Tuan Luong, De l'art ou du cochon ?
  Galerie La Sensitive, Paris
  28.10 - 30.12.2008

Note d’intention de l’artiste

L'inauguration de cette exposition coïncidant de près avec l'anniversaire de la mort de Sadako Sasaki, j'ai souhaité présenter une oeuvre qui lui rende hommage, et plier moi-même mille grues assemblées en une création tiptyque, qui sans altérer la forme unique de ce pliage plus que millénaire, l'inscrive pourtant dans le présent d'un regard neuf. cet ensemble est constitué d'une cage renfermant des centaines de grues amassées dans un extrême confinement, puis du reliquat des des mille grues réduit à une compression placée sous cloche, et enfin d'une grue solitaire prête à prendre son envol. Une lecture double s'est imposée à moi lors de la réalisation de cette oeuvre. Tout d'abord, la répétition à la chaîne d'une même séquence de gestes pour plier ces oiseaux m'a fait éprouver la dissolution de chaque grue individuelle dans la perspective d'une destinée collective, à l'image de la société traditionnelle du Japon. La compression qui leur fait ensuite violence constitue une rupture radicale comme ce fut le cas avec Hiroshima. Mais parallèlement à l'histoire, l'art a connu ses propres révolutions, et il faut bien rendre à César le motif de cette compression qui à son instar nous rappelle qu'issus de la tradition nous transitons souvent par des épures brutales qui ne sont néanmoins pas toujours synonymes de destruction.

Le dernier volet de l'exposition de Tuan Luong revisite par de ludiques clins d'oeil les araignées de Louise Bourgeois, le caniche de Jeff Koons, les soupes Campbell d'Andy Wgaroll ou le "bleu Klein".



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