Ce printemps 2011, l'artiste Anish Kapoor mène de front plusieurs projets d'envergure à Paris. Dans le cadre du programme Monumenta, sa sculpture gigantesque Léviathan (bientôt ici en ligne) a conquis la verrière du Grand Palais (à découvrir jusqu'au 23 juin). Dans le même temps, l'artiste expose une sélection d'oeuvres autour de l'idée de l'immatérialité à la galerie Kamel Mennour, du 12 mai au 23 juillet.
Anish Kapoor investit également la chapelle de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Dans la nef de ce beau monument, Anish Kapoor a installé un ensemble de ses récentes sculptures faites en ciment (Cement Works).
Ces hautes tours grises évidées se présentent sous la forme de proto-architectures, sortes d'édifices des premiers temps de l'humanité, comme par exemple les ziggourats en briques mésopotamiennes. En un sens, elles renouent avec l'esprit animant les oeuvres de pigments qui ont rendu l'artiste célèbre au début des années 1980.
En dépit de leur facture artisanale, les Cement Works sont conçus avec l'aide d'un logiciel, tandis qu'une machine, expulsant et déposant la matière, procède à leur édification.
Ces oeuvres témoignent de l'intérêt de l'artiste pour l'auto-génération, concept hérité du mot sanskrit svayambh. Les sculptures d'Anish Kapoor donnent en effet la sensation de ne pas avoir été créées par une main humaine et d'avoir toujours été là, à l'instar de certaines formes à la beauté confondante élaborées durant des millénaires par les forces de la nature. On songe aux tombants de corail, à certaines formations rocheuses...
Anish Kapoor, Cement Works ENSBA Paris 12.05- 11.06.2011
"Tout part du corps", déclare Anish Kapoor. C'est pourquoi ces oeuvres ont également une dimension organique, déjà sous-jacente dans les sculptures en cire rouge réalisées au cours des dix dernières années. Les Cement Works évoquent les enroulements des intestins, mais aussi la matière fécale qu'ils génèrent.
La chapelle des beaux-arts, où fut créé le Musée des monuments français durant le Premier Empire, abrite une belle collection de peintures et de sculptures de la Renaissance italienne, notamment du Jugement dernier de Michel-Ange et du Colléone de Verrochio. Entre les formes d'Anish Kapoor, archaïques et néanmoins créées à l'aide de technologies de pointe, et ce qu'on estime le plus grand raffinement jamais atteint par la civilisation occidentale, le contraste est violent. Il questionne sans aucun doute la nature de ce qu'on nomme art.
Exposition du 12 mai au 11 juin 2011. Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, Chapelle des Petits-Augustins, 14 rue Bonaparte - 75006 Paris. Ouverture du mardi au dimanche de 11h à 19h.